Quand la QVT devient QVCT

QVT ?

Il s’agit d’un concept relativement récent dans le paysage des Ressources Humaines.

Pourtant le lien entre la qualité de vie et travail n’est pas nouveau, il a pris naissance en milieu du siècle dernier aux États-Unis principalement.

Bref retour sur l’histoire de la qvt

L’approche anglo-saxonne de la QVT

Dès les années 50, des psychosociologues américains ont dénoncé les limites négatives du taylorisme avec ses effets directs sur la productivité, liés à la monotonie, le peu de sens au travail et la répétition des gestes. En effet, la relation entre l’organisation du travail, les méthodes de travail et l’efficacité a été pointée dès cette période, ainsi que les répercussions du contexte de travail sur la santé des salariés (Troubles musculosquelettiques, démotivation, passivité, stress…).

Dans la poursuite des travaux initiés aux États-Unis par Abraham Maslow et Mac-Grégor sur les motivations et les besoins des salariés, le psychologue Frédérick Herzberg intègre pour sa part, l’importance d’un travail valorisant et propose d’élargir et de diversifier les tâches des salariés. Il explique que les facteurs de motivation ne sont pas uniquement liés à la rémunération ou aux conditions matérielles mais également à d’autres facteurs plus abstraits, tels que le climat social, le soutien, l’organisation du travail, la qualité des relations humaines, …

La terminologie QVT apparaît donc dès les années 70 avec les recherches sur la santé psychologique et les phénomènes de stress, d’épuisement professionnel, de burn-out…

Un peu plus tard, durant les années 80, le psychosociologue Robert Karasek (Université du Massachussets) propose un modèle d’analyse sur 3 dimensions déterminantes de la situation de travail (demande psychologique, latitude décisionnelle et soutien social). Ce modèle et son questionnaire lié (26 items répartis dans trois échelles différentes) sont restés une référence durant plusieurs décennies.

Les recherches se poursuivent au cours des années 80 et Hackman et Oldham enrichissent le modèle et avancent l’idée que la tâche elle-même constitue une clé de motivation à part entière pour les employés ; ils estiment que la satisfaction au travail repose sur le sens, l’autonomie et le pouvoir de décision. (Motivation Potential = Meaning + Autonomy + Feed-back).

En d’autres termes et de façon plus synthétique, la QVT serait le contrôle et l’organisation que pourrait exercer un salarié dans la conception même de son poste de travail.

L’approche scandinave de la QVT

Si le monde Anglo-Saxon envisage la QVT d’un point de vue individuel, avec une intégration des dimensions santé et organisation, les pays scandinaves font un focus sur l’importance du collectif de travail et sur la participation des salariés à leur poste de travail et à la vie de l’entreprise, y compris sur les orientations stratégiques par le biais de leurs représentants.

Ainsi les deux approches se complètent et l’on perçoit déjà la dimension systémique de la situation de travail, c’est-à-dire l’homme au travail dans son environnement global.

L’approche française de la QVT

Autour des années 2000, de son côté, la France chemine sur la problématique de la Qualité de Vie au Travail.

La nécessaire prise en charge des « nouveaux » risques au travail avec ses effets délétères sur la santé (Risques Psychosociaux, Troubles musculosquelettiques, inaptitudes, épuisements professionnels, burn-out…) précipite sa prise de conscience. La fin des années 2000 voit une médiatisation du phénomène avec des situations tragiques au sein de certains groupes notamment.

Au-delà des simples constats de l’existence des Risques et sur les conséquences parfois dramatiques, il devient essentiel d’en identifier les facteurs pour en supprimer les effets et/ou les limiter les Troubles au maximum.

Le terme QVT fait son apparition dans les accords d’entreprises. En juin 2013, l’Accord National Interprofessionnel propose une définition, élaborée conjointement avec les partenaires sociaux :

“Un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué.”.

En 2015, la loi Rebsamen complète l’accord de Juin 2013 et oblige toutes les entreprises à négocier avec les représentants du personnel sur la QVT et sur l’égalité professionnelle ; la négociation ne devant pas forcément aboutir à un accord.

Quoi qu’il en soit, la QVT fait désormais partie intégrante du Code du Travail (articles L. 2242-1 à L. 2242-21) et des sujets de négociations annuelles obligatoires (NAO).

Ainsi les entreprises privées qui possèdent au moins un délégué syndical ont obligation de négocier chaque année sur :

  • la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise
  • l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail

Tous les 3 ans sur :

  • la gestion des emplois et des parcours professionnels, via notamment les entretiens professionnels obligatoires depuis le 5 mars 2014, qui visent à faire du salarié un véritable acteur de son parcours, accompagné par sa direction, via le CPF (compte personnel formation).

Ainsi, par le biais de ces différents textes, qui concernent l’amélioration du confort au travail, la loi oblige les entreprises à prévenir les Risques Psychosociaux, améliorer les conditions de travail et le bien-être des salariés : en d’autres termes, assurer une bonne Qualité de Vie au Travail pour l’ensemble des collaborateurs, prenant en compte les paramètres suivants :

  • La qualité des relations sociales
  • La qualité du contenu du travail 
  • La qualité de l’environnement de travail
  • La qualité de l’organisation du travail 
  • Les possibilités de développement professionnel 
  • Le respect de l’équilibre vie privée et vie professionnelle. 

Alors pourquoi ce changement d’acronyme, de QVT vers QVCT ?

(Qualité de vie et des Conditions de Travail)

Pourquoi rajouter le mot “Conditions”, à “Qualité de Vie de Travail” d’autant que les différences sont peu nombreuses ?

En 2020, l’Accord interprofessionnel QVT décide que « la QVT deviendra la QVCT » suite au constat que la notion de Conditions de Travail s’est peu à peu estompée avec le temps, au profit de la seule qualité de vie au travail.

La QVCT résulte bien évidemment de la QVT.

La QVCT ne change pas la définition mais la renforce et la complète ; il s’agit simplement d’une nouvelle manière de parler de la même chose (la QVT) mais en mettant davantage l’accent sur les conditions de travail.

Cette modification d’acronyme aurait donc pour vertu de recentrer le débat sur les enjeux liés au travail dans sa globalité et d’élargir le focus sur les conditions dans lesquelles le salarié effectue ses tâches : sur les possibilités qui lui sont offertes de monter en compétences, de se former, d’entretenir des relations de qualité avec sa hiérarchie, ses collègues etc.

En effet, les séminaires, les « massages assis » au sein des entreprises, des cours de yoga ou de sophrologie ne suffisent pas pour installer de manière pérenne une bonne qualité de vie au travail. Certaines entreprises ont mis en œuvre ce type de réponses, avec sincérité sans doute, mais sans se préoccuper de la source et des facteurs des risques et surtout de leur prévention.

Jusqu’alors, on parlait d’empêcher la dégradation de la santé des salariés, aujourd’hui on cherche à transformer le travail en source d’épanouissement.

La réalisation d’un diagnostic QVCT est bien de mesurer l’état de santé mentale et physique de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, comment se sentent-ils, quelles actions concrètes existe-t-il pour améliorer les conditions de travail ? Quel style de management ? Quelle communication ? Quelle organisation ? Quid de l’évolution des salariés ?

Dans cette logique, il s’agit pour une entreprise de mettre en équilibre l’ensemble des paramètres constitutifs d’une situation de travail (humains, sociaux, techniques et organisationnels).

La mise en œuvre d’une QVCT, avec une préoccupation réelle des instances dirigeantes pour instaurer une boucle vertueuse d’amélioration continue, est la seule vraie réponse pour assurer sur le long terme à la fois bien-être et conditions de travail des collaborateurs, dans un environnement propice à l’expression de leurs talents.